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dimanche 12 janvier 2003, par
Un seul chemin encadré par des barbelés : c’est bientôt tout ce qu’il restera aux promeneurs du pic Saint-Loup. Les propriétaires de cette montagne privée comptent ainsi protéger leur garrigue contre les dégats commis par les nombreux pique-niqueurs.
"Ce sera une autoroute pour randonneurs". Marie, habituée de la randonnée et du pic Saint-Loup, ne déborde pas d’enthousiasme devant le projet des propriétaires du pic : clôturer l’ensemble des parcelles et ne laisser aux randonneurs qu’une étroite bande de terrain le long du sentier de grande randonnée (GR60) qui mène au pic. Tous les autres chemins seraient fermés, y compris celui du château de Montferrand.
Déjà, Jean-Marie Ravaille le plus important propriétaire, las de voir les voitures se garer partout, avait aplani le terrain pour aménager deux parkings qui, à Cazevieille et à Saint-Mathieu-de-Tréviers, ouvrent l’accès au sentier de grande randonnée.
Suisse
Et, maintenant il est décidé à aller plus loin et de canaliser par des clôtures, au besoin barbelées, le flot continu des promeneurs.
"On a vu des gens repartir avec des pierres du château en guise de souvenir, dans leur sac à dos" raconte Gérard Saumade, maire de Saint-Mathieu-de-Tréviers. Un témoignage qui explique, entre autre, la grogne des propriétaires. _ Car le pic Saint_Loup est une propriété privée que se partagent quelques familles.
Tout leur appartient : le château de Montferrand, les contreforts, le pic et le sentier lui-même qui ne bénéficie d’aucune convention permettant d’obliger les propriétaires à laisser le passage libre. C’est que, par manque de moyens, aucune des quatre communes concernées (Cazevieille, Saint-Mathieu-de-Tréviers, Saint-Jean-de-Cuculles et le Mas-de-Londres) n’a pu acheter de terrain sur le pic.
"Il y a dix ans, nous avons voulu acquérir le château de Montferrand, raconte Gérard Saumade, mais un investisseur suisse est passé par là, il a offert deux millions de francs pour une parcelle qui ne valait pas grand chose. Ces terres étaient utilisées pour produire du charbon de bois mais maintenant la guarrigue a repris ses droits. Il espérait creuser un hôtel troglodyte dans la montagne. Le projet a capoté, le Suisse est parti sans payer son architecte. Mais les propriétaires continuent à demander des prix qui sont hors de portée de nos finances."
Car si elles ont peu de valeur marchande, les terres du pic sont chargées d’une histoire originale. Au Moyen-Age, elles appartenaient déjà à des paysans qui avaient fondé une "république" où tout le monde avait droit de vote, y compris les femmes. La république fut dissoute par Louis XIV à la faveur de la répression contre les protestants, et ses archives complètement détruites pour effacer la trace de cette étrangeté démocratique dans le royaume.
Rochers dangereux
Aujourd’hui, peut-être à cause de ce passé, les propriétaires veillent jalousement sur leurs parcelles et se plaignent des dommages créés par les promeneurs. "Chaque dimanche, on trouve des tas de papiers gras et de bouteilles en plastique. Les gens ne se donnent même pas la peine de les emporter avec eux et de les jeter dans les poubelles disposées sur le parking" s’indigne Jean-Marie Ravaille, le plus important des propriétaires. _ Il a, d’ailleurs, clôturé les vignes qu’il exploite en contrebas du pic. Mais cette protection ne lui paraît pas suffisante. "Les promeneurs passent partout, raconte-t-il, il suffit qu’il y ait des champignons ou que la journée soit ensoleillée pour qu’un nouveau sentier soit ouvert par des dizaines de promeneurs. Si la pluie s’y met, l’eau décape la terre et le sentier se transforme en un torrent qui débouche plus bas dans les vignes."
De fait, le chemin qui mène au pic à partir du G.R. (au lieu-dit "la Croisette") est particulièrement dégradé, au point que les promeneurs ont pratiquement cessé de l’emprunter et ouvrent de nouveaux passages de part et d’autre.
"Les propriétaires ne sont pas récompensés des efforts qu’ils ont fait pour maintenir le site dans son état naturel et faciliter l’accès aux randonneurs", constate Jean Vallon, maire de Cazevieille.
Les propriétaires ne sont pas les seuls à limiter l’accès aux promeneurs : à Saint-Guilhem-le-Désert, le sentier qui monte sur ma crête du château a, lui, carrément, été fermé. Pour cause de dégradations mais aussi parce que le maître des lieux craint d’être, un jour, déclaré responsable d’un éventuel accident.
Au pic Saint-Loup aussi, les risques d’accident ne sont pas négligeables. Sur le côté sud, le plus utilisé, mais surtout sur le versant nord où se trouvent les pentes les plus abruptes et le mur d’escalade que Jean Vallon a interdit d’accès par arrêté municipal. Mais cette interdiction est peu respectée : sa commune de 38 habitants n’a pas les moyens d’entretenir une escouade de gardes-champêtres.
Denis Pons.
Source : La Gazette de Montpellier. n° 651, 16. Du 11 au 17 février 2000.
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