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vendredi 25 novembre 2005, par
Mortiès Nord : une petite ferme médiévale complète de la seigneurie de Montferrand (Saint-Jean-de-Cuculles)
Cette zone s’étage sur trois niveaux aménagés de main d’homme et supportés par des murs de terrasse successifs. Les deux terrasses les plus élevées par rapport à la pente sont conservées avec leur surface de fonctionnement, par contre, l’enclos du bas qui est appuyé contre la maison d’habitation, a été lessivé et présente aujourd’hui une surface rocheuse à nu avec un fort dénivelé ; on peut supposer qu’il comprenait à l’origine un ou deux niveaux de terrasses dont les murs se seraient effondrés. La limite ouest de cette zone est matérialisée par des murs de pierre sèche en élévation qui descendent dans le sens de la pente et qui, avec une épaisseur de 0,90 à 1 m, protégeaient l’habitat du côté de l’ouest.
Il se partage en deux grandes salles rectangulaires et une pièce réduite faisant office de cellier. Les façades du côté de la pente sont conservées sur une hauteur de 4 à 5 mètres, jusqu’au niveau des fenêtres et meurtrières liées au niveau de fonctionnement du rez-de-chaussée des deux salles principales (fig. 3). Les murs étant fondés très en pente, la partie arrière des bâtiments n’est donc conservée que sur une faible hauteur. Ces murs sont bien parementés mais médiocrement appareillés : en effet ce sont des blocs peu régularisés qui sont mis en oeuvre et qui sont disposés en lits d’une horizontalité toute relative. La disposition générale des pièces dessine un plan symétrique en forme de T ; nous verrons que ce dernier ne correspond en fait qu’à l’état final de l’occupation d’un habitat s’étant agrandi.
C’est une grande pièce de 7,95 par 4,13 m (33 m2) qui s’ouvre avec une large porte (1,50 m) du côté de l’est. Son mur de façade présente 5 m d’élévation vu de l’extérieur, mais 2 mètres seulement, comme le mur arrière, quand on se trouve à l’intérieur de la construction. Le sol d’origine devait être assez proche du niveau actuel qui est toutefois encombré de blocs effondrés ; il s’étendait au niveau du seuil de la porte est qui donnait au même niveau sur une terrasse en partie éboulée. A l’opposé une autre porte communiquait avec la seconde salle, un seul piédroit n’en est reconnaissable dans l’état actuel.
Les différents murs semblent de construction homogène et montrent une épaisseur presque identique variant seulement de 0,72 à 0,83 m. Les divers aménagements actuellement visibles touchent à trois préoccupations essentielles :
Cette salle se trouve à l’arrière du corps d’habitation par rapport à l’accès principal au site. Elle bénéficiait cependant d’une porte de 0,93 m de largeur lui permettant de communiquer directement sur les terrasses en-dessous des constructions. La disparition des blocs de l’encadrement ne permet plus de savoir quel aspect avait cette porte.
L’aménagement interne de la salle est difficile à interpréter en raison de l’arasement de murs et de leur effondrement dans la pièce même où les blocs forment un important amas en pente du nord vers le sud. Les niveaux de fonctionnement ne sont guère restituables, comme seule certitude, on reconnaîtra que le seuil de la porte donnant sur l’extérieur est à un niveau nettement plus bas, de 2 m environ, que celui de la partie nord de la salle, supposé identique à celui de la pièce 1. On peut aussi bien penser à un escalier débouchant sur un niveau unique qu’à l’existence d’un espace bas et d’un espace haut.
Le mur arrière de la pièce est complètement ruiné et recouvert par les effondrements, il est simplement suggéré par l’existence d’un mur de terrasse du côté de l’ouest, mur dont le parement s’aligne dans le prolongement du mur nord de la première salle.
Les murs ont ici une épaisseur plus importante que ceux de la première salle, ils mesurent respectivement 0,84 / 0,90 m à l’est et 1,00 m au sud. Pour le mur ouest on remarquera que ce dernier, de 0,80 m d’épaisseur, est en fait reconstruit sur une base plus ancienne qui mesurait initialement 0,89 m d’épaisseur (la moyenne d’épaisseur des murs passe donc de 0,75 à 0,90 m entre les deux pièces). On reconnaît ainsi que cette salle représente une construction initiale et de caractère homogène dont le mur est a été en partie détruit lors de l’accolement ultérieur de la salle contiguë. Cette interprétation trouve confirmation dans l’examen du raccordement des murs des deux constructions : en effet, on repère nettement un "coup de sabre" non équivoque en partie basse de l’angle des deux murs, puis une imbrication normale des blocs en partie plus haute correspondant à la phase de construction de la salle est. Ces deux étapes d’édification se repèrent enfin à la différence des mortiers mis en oeuvre, de couleur blanchâtre pour la pièce 2 et beige-orangé pour la pièce 1.
Les dimensions restituées de cette salle sont assez proches de celles de la salle voisine, elles mesurent en oeuvre 3,99 m de largeur pour 7,25 m (à 0,10 m près) de longueur (29 m2). Comme aménagements particuliers, on signalera la présence d’un petit passage d’angle de 0,64 m de largeur pour accéder aux enclos ouest et une meurtrière, ouverte face à la pente, qui confère un caractère nettement défensif à la construction. On imaginera enfin sans difficulté la présence d’une porte de communication avec le cellier installé dans le prolongement de la salle du côté du massif. En ce qui concerne la haute façade conservée du côté de la pente, il faut remarquer qu’elle est confortée d’un puissant socle bâti, probablement installé pour masquer une adaptation des fondations du mur au rocher qui aurait pu être considérée comme trop fragile (fig. 4).
L’entrée de la cavité naturelle qui se trouve à l’arrière des constructions étant centrée par rapport aux murs l’entourant, murs construits eux-mêmes dans l’alignement de la salle primitive, il faut donc croire que la présence d’une grotte a été un élément prioritaire dans le choix du lieu d’implantation de l’établissement. Les murs du cellier qui entou¬raient la grotte sont très mal conservés, seul celui du fond et celui de l’est ont conservé leur parement, les autres sont complètement dégradés. Les dimensions internes restituables avec une petite imprécision mesurent 4,00 x 2,83 m environ. Actuellement la pièce est comblée des blocs effondrés, répartis en entonnoir autour de l’entrée de la grotte qui s’enfonce sous un banc rocheux au-delà de la paroi arrière du cellier. Une niche-placard est encore reconnaissable dans la paroi est.
L’exploration de la cavité [1] montre que cette dernière est bien d’origine naturelle et qu’elle s’enfonce en pente entre deux strates calcaires. Elle est actuellement comblée partiellement d’un remblai constitué de blocs avec de la chaux adhérente, de tuiles canal, d’ossements animaux et de fragments de poteries médiévales. Malgré l’encombrement et l’épaississement du dépôt vers le fond, on reconnaît que l’espace initial devait avoir 2 m de largeur pour 4 à 5 m de longueur, mais une hauteur ne permettant probablement qu’un accès en position courbée.
La présence de quelques gros fragments de céramique modelée préhistorique et de 2 ou 3 silex taillés sur les terrasses aménagées du côté ouest permet de croire à l’occupation de la cavité au Néolithique et à une vidange de son contenu par les nouveaux occupants.
Cette construction est éloignée du corps principal d’une quinzaine de mètres. Elle est allongée dans le sens de la pente et se trouve conservée avec un plan complet mais une très faible élévation, sauf du côté de la pente où le mur de façade présente encore 3 m de hauteur. Son angle sud-est est détruit suite à un effondrement. Une seule porte y est aménagée dans la paroi ouest, elle donnait sur une terrasse, aujourd’hui très dégradée, qui desservait l’entrée principale de l’habitat. Les mesures internes sont de 4,31 et 8,05 m (35 m2).
L’ensemble paraît homogène mais la technique de construction diffère un peu de celle des autres bâtiments car elle est moins soignée, accepte des variations d’épaisseur (de 0,85 à 0,95 m), et utilise un liant fragile en grande partie disparu. Toutefois il serait possible d’imaginer que ce soit une fonction de bergerie ou d’étable, locaux toujours humides de l’urine des animaux, qui aient été la cause d’une dégradation des parois différenciée par rapport aux bâtiments d’habitation.
Avec l’aimable autorisation de Pierre-Yves Genty. _ Dactylographie : Sylvie Rouquette.
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[1] L’exploration a été conduite par MM. Albert Colomer et Philippe Galant, agents du Service Régional de l’Archéologie.