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lundi 6 décembre 2004, par
En venant de Montpellier, la masse oblongue du pic Saint Loup, haut de 658 m s’impose d’abord, puis la prolongation vers le levant de son arête dentelée se termine par les ruines du château de Montferrand. Paysage très romantique, attirant pour les dessinateurs du XVllle et XIXe siècles relayés au XXe par les photographes, et représenté par les peintres de toutes les époques. Beaucoup d’ouvrages lui ont été consacré avec des reproductions parfois fan¬taisistes.
Il faut reconnaître que ce nid d’aigle de plus en plus imposant au fur et à mesure que l’on s’en approche, ne manque pas de grandeur.
Sa forme générale, sorte de rectangle dont un arc de cercle remplace l’angle sud-ouest, est orientée est-ouest sur son grand axe long de 102 m. Son petit axe, long de 67 m, étale au soleil ses trente mètres de pente souvent verticale. Le piton rocheux choisi offre au nord une falaise verticale haute de 20 m qui en fait une défense naturelle. Une porte principale ouverte dans la première enceinte, aussitôt passée les murailles accrochées au rocher, parfois retaillé, offrent un spectacle écrasant.
Pour visiter le château, suivons l’expertise exécutée par un ar¬chitecte anonyme en 1677, qui a fait une description remarquable, très détaillée de tous les étages et de toutes les pièces du château. Soulignons d’abord la technique de construction utilisée. Dite « mégalithique » en préhistoire, les murailles faites de deux parements, ont un vide rempli par un blocage de pierres sèches ou de cailloutis. A part quelques pièces voûtées, toute la construction interne se compose de poutres portant des planches de bois soutenues par des soliveaux. Les cheminées sont le plus souvent en pierres sculptées ou plus rarement en gypseries historiées.
Avant d’atteindre le donjon, il faut passer la deuxième enceinte pour emprunter un escalier étroit, serré entre deux rochers et hérissé de défenses. De la terrasse sommitale, la vue s’étend au nord vers les flancs de la Séranne, bordure du plateau du Larzac. A l’ouest, le saint Loup au profil grandiose avec ses 150 m d’à pic. Les amoureux de la montagne y ont appris au péril de leur vie que le calcaire jurassique n’a pas la solidité des Alpes ou des Pyrénées. A l’est, la garrigue développe ses ondulations vertes où le pin éclaircit les couleurs sombres du chêne vert. Le pic St Léon, mont des Galères des romains, égaye le paysage avec ses ondulations de falaises blan¬ches, tandis que les collines étagées conduisent à la mer. Le donjon fut le premier construit, à l’époque il était appelé « le vieux Mont¬ferrand ». Actuellement cette plate-forme ovale, bordée par deux pans de murs séparés d’une vingtaine de mètres n’évoque pas la réalité ancienne. Lorsque la muraille contournait toute la terrasse, elle supportait trois étages habitables, quatre si on tient compte des voûtes qui la soutiennent en partie.
En 1677, la plupart des boiseries et des toitures existaient encore. Un couloir fermé par quatre portes de bois introduisait dans une vaste cuisine comprenant une grande cheminée à bandeau de pierre portée par des piliers monolithes. Au milieu, la citerne conservait l’eau coulée des toitures, elle était bordée d’une margelle de pierre, fermée par un couvercle de bois. Une poulie accrochée au plafond servait à puiser l’eau qu’une pile toute proche conservait jusqu’à son utilisation. Dans la citerne, un artiste a taillé les armoiries de Guillaume Pellicier neveu, entourées de deux anges ailés, admirés par un personnage énigmatique. Derrière la cuisine, se cache une petite pièce dont les murs portent des rateliers encore garnis de quelques mousquets !
De la cuisine, quatre marches de pierres surmontées de onze autres de bois conduisent à l’étage supérieur fait d’un plancher. Dans les murailles, des creux carrés taillés dans l’épaisseur servaient d’armoire. Une échelle de bois conduit au troisième étage dans la salle de garde, couverte alors par une toiture en bon état. Cinq fenêtres l’éclairaient, y compris la meurtrière située au-dessus de la porte du donjon dans un but de protection. A côté de la salle, une pièce munie d’une cheminée servait de resserre pour les armés. De là, un petit couloir (ou courroir) menait à la tour de la façade sud-est où était ac¬crochée une horloge avec sa cloche pour sonner les heures. Au même étage, un angle de muraille pouvait abriter une sentinelle. Beaucoup de fenêtres éclairaient les pièces, elles n’avaient pas de vitres mais seulement des volets.
Redescendus à la cuisine, nous trouvons une pierre creuse qui sert de mesure pour le blé, utilisée dans la vallée du comté de Mont¬ferrand. Un couloir mène aux trois prisons appelées l’une la diablesse, l’autre la comtesse et la troisième la marquise proches de la citerne. Taillées dans le rocher, elles n’avaient d’autre éclairage que le trou du plafond.
Au bout d’un couloir, au niveau de la cuisine, une petite chapelle couverte d’une voûte dont l’autel se dressait encore sur son mar¬chepied. Le responsable de l’inventaire n’a pas cité le saint à laquelle on l’avait dédiée, c’est fort regrettable. La raison de cette carence parait simple : en 1677, la chapelle abandonnée depuis au moins dix
sept ans avait donné son nom à la nouvelle commune de Saint-Mathieu-de-Tréviers, remplaçant la paroisse de Saint Martin. Pourtant, les écrits anciens sont formels, ils indiquent en 1099 et en 1132 San Mattaei de Monte Ferrando et peu après San Mattaei de Matellis lorsque ce village devenait la capitale de la communauté ou république du val de Montferrand.
Un escalier menait à une salle voûtée au-dessus de la chapelle, le tout protégé par une toiture « en état neuf ». On l’appelait « chambre de l’évêque ». C’est donc probablement là que Guillaume Pellicier neveu, fatigué par ses voyages en Europe au service du roi, a essayé de rétablir une santé branlante.
Finalement, tout était organisé pour soutenir un long siège, cuve à vin, cuve à huile avec couvercle de bois, moulin à farine, pétrin et four à cuire le pain. Près de lui, un four plus petit servait à cuire des gâteaux. Le château de Montlaur à Montaud possédait aussi deux fours jumelés de tailles différentes. C’était donc un luxe réservé aux châtelains.
Descendons dans la deuxième enceinte. Au sud du donjon, elle réduit le sol habitable à une étroite terrasse portée par des rochers retaillés ou de hautes murailles. Les constructions anciennes ont beaucoup souffert. Par contre, à l’ouest du donjon un plateau s’élargit et supporte diverses constructions. De deux bâtisses, l’une ap¬partient à l’usage militaire comportant un rez-de-chaussée dans lequel une cavité taillée dans le rocher, accessible et éclairée par une seule ouverture carrée au plafond pouvait servir de réserve ou d’oubliette. L’autre bâtiment avait une grande salle inférieure et une tour carrée s’élevait de plus de dix mètres alors qu’elle était posée sur le bord même de la falaise nord. Contre sa fenêtre supérieure, l’équipe d’Olivier Bernat qui essaye de ralentir la dégradation des bâtiments, a découvert une très belle sculpture en pierre noire représentant une tête de Christ. Son caractère archaïque lui donne un aspect brutal mais puissant et décèle l’œuvre d’un artiste doué sans formation technique. Ces jeunes bénévoles voulaient la soustraire aux déprédations des clandestins et lorsqu’ils sont revenus avec un outillage adapté, ils ont trouvé la tête brisée dont il ne restait plus qu’une partie du front en place. Heureusement, il nous reste cette excellente photographie témoignage de son existence.
Une tour ronde complétait la défense. Les anciens dessins la représentent en bon état aux environs de 1830. II n’en reste ac¬tuellement que les fondations arasées. Les habitants de la forteresse appelaient cet étage « le petit Montferrand » dont la construction plus tardive doit appartenir au Xlle siècle car plusieurs voûtes s’incurvent en ogive.
L’étage inférieur du château est bordé par la première enceinte.
L’évêque Pierre Fenouillet vers 1611, après expertise, en a renforcé la défense. Toute la façade ouest lui paraissant trop faible, il éleva une muraille de type cyclopéen composée de grosses pierres rec¬tangulaires parfaitement jointives, propre à résister par son épaisseur aux attaques de l’artillerie. Une porte secondaire s’ouvre sur un fossé profond et large taillé dans le rocher à la barre à mine et à l’explosif. Un pont levis en bois permettait le passage. A l’extrémité sud de la muraille, une tour carrée étayait sa défense.
Pour la même raison, la partie ouest de la grande porte située au milieu de la première enceinte a été renforcée par un plaquage de pierres semblables à celles de la muraille ouest. Le temps a manqué pour consolider l’autre côté car le duc de Rohan à la tête des protestants sévissait dans la région. L’évêque prévoyant avait fait démolir les écuries des chevaliers derrière la muraille cyclopéenne et sur ce terre-plein installé son artillerie. Lors de l’expertise de 1697, exécutée par Germond Castant et Robert, il restait deux canons « sur faux affust ». Vers le centre, deux bâtiments servaient l’un au logement du bayle, l’autre d’écurie. Protégé par la courtine sud, le terrain était propice aux manœuvres des soldats à pied et à cheval.
La description du château a pu paraître longue, elle servira de guide à ceux qui se risqueront dans ses ruines.
Tel qu’il se présente, Montferrand dégage une véritable poésie, son histoire passionne quantité de personnes et pas seulement des historiens. La forteresse n’était pas un habitat seigneurial mais une caserne destinée à tenir en main le nord du comté. Son rôle s’est étoffé au cours de son existence au point d’entraîner la partition en deux du comté de la surface de son territoire. En 1085, Pierre de Melgueil rend hommage de son comté au pape Grégoire VII auquel il payera une once d’or par an. En échange, l’évêque de Maguelone surveillera la bonne marche de la région. En fait, cette offrande à la papauté n’était pas un cadeau désintéressé car la puissance du seigneur de Montpellier augmentait avec le développement rapide de sa ville. La construction du donjon dit « le vieux Montferrand » était déjà terminée. Dès le début, le personnel dirigeant comprenait : un capitaine nommé directement par l’évêque, un bayle (sorte d’économe) et un juge avec son greffier. Différents officiers commandaient les « chevaliers » ou cavaliers et les fantassins. Nous ignorons le nombre des militaires composant la garnison. Beaucoup d’auteurs prétendent que le château de Tréviers était une prison sinistre qui terrorisait la région. En fait, si les « oubliettes » étaient sinistres, elles reflétaient seulement la dureté de l’époque. Les châteaux, ne l’oublions pas, étaient des gardiens de la sécurité des populations comme les gendarmes de nos jours. Le calme relatif régnant en France actuellement ne doit pas nous faire oublier l’insécurité des époques de guerre ou de révolution. Ceux qui ont connu la guerre de 39-45 en savent quelque chose. Nous connaissons le nom des bayles et capitaines qui plus tard seront appelés châtelains. Le sieur de la Matte, propriétaire du domaine situé à Tréviers entre les mas de la Salade et du Lébous, a été un des premiers dont le nom soit arrivé jusqu’à nous. En 1470, c’était le tour de Tristan de Montlaur, cadet de la branche de Murles ou de celle de Montaud. Vers 1610, noble Jean de Rougier habitant l’agglomération de Saint Mathieu a été châtelain et son fils capitaine. Nous verrons plus loin que Jacques Valat a été le dernier châtelain entre 1624 et 1659, date de sa mort. Tous ces gens n’étaient que les délégués du véritable propriétaire du château.
Voyons maintenant les maîtres effectifs qui se sont succédés : dès 1103 Alphonse Jourdain, troisième comte de Toulouse fait valoir ses droits sur le château de Montferrand et sur la moitié nord du comté de Melgueil pour une durée de six ans et l’obtient. En 1172, Ermessende de Melgueil épouse le futur Raymond VI qui par conséquent devient comte de Melgueil et de Montferrand. II ne jouira pas longtemps de la dot de sa femme, un événement extrêmement grave se précise, la croisade contre les Cathares. Raymond VI pris entre ses sujets cathares et le pape, hésite au point d’être ex-communié puis faisant amende honorable à la basilique de Saint Gilles, pour rentrer en grâce donne sept châteaux en gage : parmi eux, notons Mornas et Roquemaure, tous deux dans la vallée du Rhône et Montferrand.
En 1215, l’évêque Guillaume d’Autignac se fait attribuer le comté de Melgueil et de Montferrand en promettant la somme de 25 000 sols melgoriens au pape. N’ayant pas cette somme, le cardinal Conrad prend Montferrand en gage pour une dette de 22 000 sols et en confie la garde à un prêteur du nom de Martin Dolis qui a dû avancer la somme. Finalement, l’évêque Bernard de Mèze paie les dettes de son prédécesseur et récupère Montferrand. Tous ces changements de mains de ce pauvre château sont choquants pour une personne de notre époque. Après quelque temps de calme relatif, les guerres de religion reprennent sous une autre forme. Les protestants en 1574, à moins qu’il ne s’agisse de 1575, s’emparent de Montferrand. Dix ans plus tard, en 1584 Antoine de Cambous reprend la forteresse. Le nerf de la guerre étant toujours nécessaire, le document tend à le prouver : « Vente de Mgr du Subject des usages du château de Cambous en raison des pertes subies, oc¬cupation des mas par les perturbateurs, et pour reconnaître les ser¬vices rendus pour recouvrer le château de Montferrand occupé par les réformés en 1575 ». Le roi de France lui-même a félicité Antoine de Cambous pour son succès. Ces félicitations n’ont pas dû être, à mon avis, seulement honorifiques puisque aussitôt le vainqueur reconstruit son château en adoptant la mode lancée par la Renaissance. On entrait dans le château par une porte double ac¬tuellement déplacée dans l’antichambre. Quand le lecteur visitera le bel édifice, il évoquera la grande fête et les tournois donnés en l’hon¬neur du mariage de Marguerite de Cambous sa fille avec Jean de Ratte fils du viguier de Gignac. Le ménage eut deux enfants au moins, Etienne l’aîné et héritier du nom et Guitard. Ce dernier monta dans la hiérarchie ecclésiastique au point de devenir évêque et con¬seiller ordinaire du roi. L’évêque Subject lui céda le comté de Melgueil et Montferrand, puis le service du roi l’envoya à Caen...
La porte actuelle du château a été ajoutée à l’occasion du mariage de Marc Antoine de Ratte, fils de Jean Antoine, petit fils d’Etienne, avec Anne de Beauxhostes d’Agel, en 1649. Le calcaire miroitant de cette porte dorée par le soleil, a une architecture inspirée par un roman de la Renaissance italienne, la Porta Magna, gravée sur les planches de cette œuvre célèbre « le Songe de Poliphile » paru en 1449 (Jean Claparède).
Antoine de Cambous rendait en 1610 le château de Montferrand à l’évoque Fenouillet après l’avoir remis en état. L’expertise de la for¬teresse exécutée en 1611 fait ressortir la faiblesse de la courtine ouest et à un degré moindre, celle de la grande porte. C’est alors que fut construite la grande muraille cyclopéenne et le creusement de son fossé extérieur ainsi que le renforcement de la porte. Une période de calme relatif aurait pu donner quelque repos. II n’en fut rien, un man¬dement du duc de Montmorency Damville au début de l’année 1622 « pour le projet de la garnison de Montferrand » invite l’évêque à gar¬der le château. Des renseignements valables annonçaient que Rohan et les calvinistes avaient pris le château de Montlaur en Avril puis pillé Aniane, démoli son église, démantelé les remparts des Matelles et allaient assiéger Montferrand.
Fenouillet était le dernier évêque de la région à pouvoir vêtir la cotte de maille, comme tous ses prédécesseurs depuis la chute de l’empire romain où il fallait maintenir l’ordre à la tête de compagnies de gens d’arme. Aussi avait-il une armure et savait se battre à cheval avec les armes appropriées.
Déjà le passage des grandes compagnies au milieu du XVe siècle avait nécessité la remise en état des remparts des Matelles et de Prades. En l’absence de remparts certaines églises avaient été for¬tifiées par élévation de leurs murailles comme à st Jean-de-Cuculle ou l’adjonction d’échauguettes comme à St-Croix. A Assas, le château avait été transformé pour le défendre contre l’artillerie.
A Montferrand, Fenouillet derrière sa nouvelle et puissante muraille, rase les écuries des chevaliers et y installe des canons sur une terrasse soigneusement préparée.
Rohan arrive avec les Calvinistes, ils se font bombarder de boulets de fer, à tel point que le général l’avoue lui-même, un de ses boulets fait éclater une marmite où cuisait la soupe des soldats. Pour se con¬soler, Rohan se contente de ravager la région.
Il n’y a rien de pire que les guerres de religion, on se battait entre parents, quelques fois entre frères. Les changements de situation sont souvent incompréhensibles. En Octobre de la même année où il prenait Montlaur et assiégeait Montferrand, Rohan allait ensuite rejoindre le roi Louis XIII aux environs de Lattes, s’agenouiller devant sa chambre et obtenir son pardon. II trahira encore trois ans après et sera à nouveau pardonné.
En 1623, Montpellier revient aux catholiques. Le capitaine Jacques Valat se fait remarquer par son courage et son efficacité. II est en¬nobli par le roi qui ajoute St Roman à son nom, l’évêque Pierre de Fenouillet le nomme châtelain à vie de Montferrand et lui donne sa propre nièce en mariage. La mort de Jacques Valat de Saint Roman en 1659 marque le début de la décadence du château. On pouvait encore le sauver en 1677. Vingt ans après la ruine est irréparable, les habitants de la Vallée devant son abandon ont accéléré sa chute en le pillant.
L’évêque Colbert de Croissy a reçu de Louis XIV l’autorisation de le faire détruire, des annonces publiées à Tréviers, les Matelles, Saint-Jean... offrent les pierres en dédommagement de la démolition du château. Les difficultés de transport de ce matériau ont fait renoncer les entrepreneurs habitués à ce genre de travail. Pierre par pierre la ruine continue. Pendant la révolution, ce qu’il en reste a été mis en vente comme bien d’église et il a été acheté par M. Serre qui l’a revendu à M. Gilode, propriétaire du mas de Mortiès situé au bas de Montferrand.
Olivier Bernat et ses bénévoles essayent de freiner la démolition provoquée par les intempéries ou par la sauvagerie des visiteurs. Son courage nous montre le chemin à suivre.
En chassant ou en se promenant, les habitants de Saint-Mathieu-¬de-Tréviers ont ramassé quantité de boulets de canon. Presque tous ont été revendus à des ferrailleurs au poids du fer. Un habitant plus heureux a trouvé la lame d’une rapière damasquinée d’or. Un autre a ramassé une monnaie de Louis XI, gouverneur du Dauphiné en attendant d’être roi de France. D’autres découvertes ont pu avoir lieu mais on les ignore.
Les experts de 1677, si minutieux pour décrire les portes, les fenêtres avec ou sans leurs verrous ignoraient (à part la cuisine) la destination des pièces, notamment les salles de réception, la chambre de l’évêque et la bibliothèque. Il n’a pas vu la sculpture exécutée en prison par Pierre Bouet qui resta plusieurs années dans cette inconfortable position. La propriétaire de cette pierre Mme Allègre, l’a donnée à la Société Archéologique de Montpellier. De forme trapézoïdale, elle comporte 7 registres pentagonaux disposés 4 en haut et 3 au-dessous, ces derniers plus importants ont la même largeur que les supérieurs. L’abbé Guichard en a tenté l’interprétation suivante. Dans le premier registre, le prisonnier nous fait connaître son nom et la date de son emprisonnement (1515). Le second indique comment il est entré en prison (1517) (Daniel, au moment où il va tomber dans la fosse aux lions). Troisième registre, il se compare à Saint Laurent sur son gril (1519). Dans le cinquième registre, le prisonnier se représente dans le tombeau du Christ. Dans le registre 6, il fait un vœu à Notre Dame des Tables. Registre 4 : l’évêque, probablement Guillaume Pellicier neveu, bénit le prisonnier et dans le registre 7, Saint Christophe porte les pieds dans l’eau l’enfant Jésus dont le bras gauche est posé sur la tête du passeur et le droit soutient un globe terrestre surmonté d’une croix.
Il est certain que des gens qui se sont donnés à une haute spiritualité en prenant des responsabilités dans le pouvoir temporel, sont confrontés à des situations incompatibles avec leur foi. Ainsi, l’évêque Pierre de Fenouillet a été entraîné à punir des criminels mais encore pour maintenir l’ordre dans son chapitre à envoyer des chanoines goûter pendant quelques semaines « le pain sec et l’eau de tristesse ». En principe, les gens d’église n’exécutaient pas leurs jugements surtout dans les cas de condamnation à mort, ils en confiaient l’application au bras séculier. En fait, ils en gardaient toute la responsabilité morale.
A la mort de Guillaume Pellicier, le château comprenait une bibliothèque très importante. Malgré la perte de son catalogue, une copie a pu être relevée par les soins de François Pittou sous le nom de Index librorum Guilielmi Pelissieri episcopi Magalonensis. 332 ouvrages y étaient mentionnés avec un grand nombre de manuscrits grecs et latins ainsi que de belles éditions d’auteurs classiques venant de Venise, Bâle, Bade, Lyon et Paris. Il y avait aussi des portulans et des cartes dont une « pour faire canal de pays la Garonne jusque à Aude », en parchemin, un Coran arabe tracé en lettres d’or et les œuvres de l’évêque. Acquise après la mort de Guillaume Pellicier par un amateur bourguignon, Claude Naulot d’Avallon, rachetée ensuite par le Jésuites du collège de Clermont à Paris au milieu du XVIIe siècle, puis en 1754 lors de l’expulsion des Jésuites de France et de la mise en vente de leurs biens achetés, par un Hollandais suivi d’un baronnet anglais en 1824 et ensuite par la bibliothèque royale de Berlin en 1887. Quelques rares livres ont échoué à Leyde, à Oxford et au British Museum de Londres où est venu les rejoindre par hasard le reliquaire provenant vraisem¬blablement du trésor de Maguelone.
Un drame passé inaperçu dans la tourmente. Lors de la prise du château de Montferrand en 1574, des destructions et des massacres ont eu lieu, reconnus par leurs auteurs, dans les villages de la Vallée. La découverte d’une cachette de monnaies a révélé un de ces drames anonymes. II s’agit de quelques pièces d’argent (à faible teneur en métal précieux) trouvées dans un tumulus de pierres au nord du village de Saint Mathieu. La cachette se compose de mon¬naies royales allant de François 1er à Charles IX, mort justement en 1574 et de monnaies papales dont la plus récente provient de Grégoire XIII élevé au Saint siège en 1572. La cachette correspond exactement à la date de la prise du château. Une famille, à moins d’être entièrement détruite, l’aurait récupérée. Le curé de la paroisse, au contraire, le plus en danger à cause de son état, n’aurait pu échapper à la tourmente, personne n’a eu la possibilité de la récupérer.
Le monnayage royal était frappé un peu partout en France, les quatre pièces représentées, les plus belles du lot, venaient de Toulouse, d’autres moins importantes sortent des fabriques de Montpellier, Lyon... Les monnaies papales, appelées par les Italiens, mezzo grosso ont une taille remarquablement petite, 6 mm de diamètre. Elles étaient frappées à Avignon et concurrençaient le monnayage royal peut-être à cause de la maniabilité de leur faible poids. Ces monnaies seront déposées dans un musée national ou communal où elles seront exposées et bien protégées.
Source : "Saint Mathieu de Tréviers - Cinquante mille ans d’histoire". Livre écrit par Jean ARNAL avec la collaboration de Sylvie ARNAL.
Avec l’aimable autorisation de Michel Arnal.
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