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vendredi 6 février 2009, par
3/ Les habitants du Triadou au 16ème siècle.
Le compoix de la "val de Montferrand", établi en 1550, est très précieux, car il permet de connaître les biens déclarés par les habitants des paroisses de la val.
Saint Sébastien de Cassagnas, autrement dit Le Triadou, en faisait partie avec Les Matelles, Saint-Jean-de-Cuculles, Cazevieille et d’autres encore. Pour chacune d’elle, on trouve la déclaration des biens de chacun des habitants avec les éléments essentiels pour les reconnaître et les taxer. Chaque article de ces déclarations se termine donc par l’estimation financière nécessaire pour les impôts.
Le compoix permet d’abord de connaître les biens communaux des habitants du Triadou au XVIème siècle. De plus, par ses additifs, il nous indique les mutations ultérieures. Ces pages sont donc particulièrement précieuses et peuvent ainsi être mises en regard de la déclaration des biens communaux faite en 1684. (voir "Les habitants du Triadou au XVIIème siècle).
Il décrit ensuite les biens de Guillaume de LA TOUR, d’Antoine EUZET et de Pierre de BERTIN.
L’unique successeur de Pierre de BERTIN, au Triadou, est sa fille, Marguerite de BERTIN, mariée avec Antoine POUZANCRE. Après le décès de ce dernier, on voit que Marguerite a continué à gérer les biens hérités. Ainsi, le 12 novembre 1586, elle arrente ses biens pour cinq ans à Antoine DELMAS, du mas des Cazarelz (paroisse de Saint-Jean-de-Cuculles). Encore en 1590, elle est créancière de Guillaume de LA TOUR, pour une somme de 140 livres tournois. Cependant, à partir de cette période, les minutiers des notaires de Montpellier enregistrent des ventes successives de ses biens. Par exemple, à Pierre PERTRACH le 20 décembre 1590, puis à Jean AUZEMAR, le 5 août 1591. Celui-ci est un haut personnage, conseiller du roi, lieutenant en la cour royale de Montpellier et, en plus, seigneur du Triadou. En 1591, il acquiert donc une jasse et une aire de Marguerite de BERTIN, et aussi deux champs et un petit jardin "clos de murailles sèches", le tout pour 230 livres tournois. Le 24 mai 1592, il récidive avec l’achat de deux terres hermes, toujours au Triadou, pour un montant de 45 livres tournois. Dans ces actes, on voit que Jean AUZEMAR possède déjà des terres au Triadou, car certains nouveaux achats confrontent d’autres terres qui lui appartiennent. On voit aussi qu’il s’agit d’un monde nouveau qui investit la petite paroisse. Marguerite de BERTIN ne sait pas signer, malgré sa noblesse, alors que la signature d’AUZEMAR est imposante. Autre observation, dans la vente de 1591, on voit que la jasse et l’aire vendues confrontent le chemin du Triadou qui va à l’église du lieu ("la clastre", aujourd’hui), c’est-à-dire, le coeur du village, au XVIe siècle. Il est donc clair que les possessions qui passent ainsi dans les mains des AUZEMAR sont parmi les plus anciennes de Saint Sébastien de Cassagnas. Le dépeçage de la part des de BERTIN au "mas du Triadou" a dû continuer jusqu’au décès de Marguerite de BERTIN.
Les additifs donnent enfin une orientation sur les mutations ultérieures, aux XVIème et XVIIème siècles. D’une écriture plus simple, moins ornée, ils sont généralement placés à gauche ou à droite des "manifests".
Cet additif est un bon exemple de ce que l’on trouve en marge des "manifests". Ici, il s’agit de celui d’Antoine EUZET. Sur la gauche, on peut suivre les mutations ultérieures, à la fin du XVIe siècle. L’inscription de 1593 rappelle l’achat de la moitié des biens déclarés, par AUZEMAR, "juge de la val" (de Montferrand) et seigneur du Triadou. Cet achat a été fait auprès d’un certain Jacques BRISSAC, le 10 juillet 1591. Pour bien comprendre cette mention, il faut savoir que ce Jacques BRISSAC avait effectivement acheté le mas du Triadou avec ses dépendances à François EUZET (fils d’Antoine), le 27 août 1585. François avait dû se résoudre à cette vente pour payer les dettes de son père et les droits de succession de ses soeurs. En fait, il n’était lui-même possesseur que de la moitié des biens appartenant aux EUZET au Triadou (l’autre partie appartenait à Jean EUZET, son cousin). Ceci explique donc pourquoi il y a la mention relative à la moitié des biens.
Cet exemple montre à la fois l’émiettement progressif des terres et, en même temps, l’effort constant qui est fait pour les rassembler dans une seule main. L’émiettement ne datait pas du XVIe siècle puisque, un siècle plus tôt (en 1456), le fief représenté par le mas du Triadou et ses dépendances appartenait pour moitié aux de LA TOUR, pour un quart aux EUZET et pour un quart aux nobles de BERTIN. La situation était inchangée en 1520 et elle était probablement identique au moment de la confection du compoix, en 1550. L’achat fait par Jacques BRISSAC équivalait, en réalité, à un huitième de l’ensemble et c’est ce huitième qui est tombé dans les mains des AUZEMAR ou d’AUZEMAR. Ceux-ci, docteurs et avocats, étaient "Seigneurs du Triadou", au moins depuis 1614, comme on le voit dans le compoix de Saint Mathieu, à Montpellier. C’est eux qui ont tout fait pour acheter les terres du Triadou aux familles en place. Ainsi, dans le "manifest" des de LATOUR, on voit qu’ils ont acquis des terres de Thoinette de LATOUR, le 8 février 1639, et les minutes notariales témoignent de plusieurs échanges avec les possessions des PLAGNOL, encore en 1668. Quant à leur part initiale sur le mas du Triadou,, on peut également suivre (dans les minutes notariales) leurs baux et transactions, en 1669, c’est-à-dire pratiquement à la veille de la confection du nouveau compoix du Triadou.
Ces additifs peuvent aussi faire l’objet de nouvelles pages, comme on le voit avec la déclaration de Jacques EUZET.
Comme on s’en rend compte, l’écriture de ce manifest est complètement différente de celle du compoix initial. Elle est sans fioritures et la graphie est de moins en moins soignée, plus on avance dans le temps. Ce Jacques EUZET est certainement celui qui s’est marié en 1594 avec Marthe ROUX. On se trouve donc, probablement, devant un texte de la fin du XVIe siècle.
Ce sont dix nouvelles acquisitions qui sont ainsi incluses dans le compoix. La première concerne deux chambres de la maison de Marguerite de BERTIN. Celle-ci est la dernière de cette lignée à avoir habité le mas du Triadou. Fille de Pierre, elle a donc cédé ses parts du mas, tant dans la maison elle-même que dans les terres lui appartenant. Plusieurs de ses champs rentrent alors en possession de Jacques EUZET. Cependant, celui-ci fait aussi un échange de champs avec Antoine "de la Turre" (LATOUR) et il achète aussi des deves aux héritiers d’Antoine BOUGETTE. Pour chaque article, il est indiqué la contenance, les "confronts" et l’estimation du bien. Les chambres de Marguerite de BERTIN valent deux sols huit deniers, par exemple.
Cet article fait partie d’une série de cinq sur l’histoire du Triadou :