Accueil LOUPIC : le Pic Saint Loup et villages alentour

Accueil > Saint Mathieu de Tréviers > Montferrand, un terroir de merveilles, vu par un auteur du XIIIème (...)

Montferrand, un terroir de merveilles, vu par un auteur du XIIIème siècle

vendredi 19 décembre 2008, par Viguier Céline

Terres de merveilles et terres paysannes, Montferrand intéressa de près un érudit du XIIIème siècle.

  • Céline Viguier, mémoire de Master 2 « Perception du monde rural et de ses croyances d’après le Livre des Merveilles de Gervais de Tilbury », université de Provence
  • Directeurs de recherches : Madame Aline Durand et Monsieur Damien Boquet

 L’auteur :

L’auteur est Gervais de Tilbury, un homme de lettres à l’esprit moderne. Il naît en Angleterre vers 1153, où il suit une éducation soignée à la cour du roi Henri II. Vers 1175, il est envoyé en France, à Reims, pour suivre une formation théologique auprès de Guillaume aux Blanches-Mains, archevêque de Reims. Sa formation le conduira à recevoir le titre de magister en droit canon à Bologne. Après 1183, il se rend en Italie, où il fréquente la cour du roi Guillaume II le Bon. Enfin, en 1189, il se rend en Arles, où il vit jusque 1214 environ, date à laquelle il remet un ouvrage incroyable : Le Livre des Merveilles, Otia Imperialia, à Oton IV de Brunswick, l’empereur déchu du Saint-Empire Romain Germanique. Il décèdera sur les terres d’Empire vers 1234.

Pendant environ vingt-cinq ans, Gervais de Tilbury s’est intéressé aux merveilles et phénomènes inexpliqués présents dans le Royaume d’Arles. Il offre un regard pertinent sur un monde rural trop souvent tenu sous silence. Le cadre des faits merveilleux qu’il décrit s’inscrit dans les campagnes et permet d’y voir une vie paysanne omniprésente, rythmée par les saisons. Son originalité réside dans son intérêt (ou sa curiosité) à témoigner personnellement de faits, qu’il va entendre auprès de témoins qu’il juge digne de foi ou auxquels il va assister personnellement. Il se prend même au jeu parfois et teste personnellement des phénomènes merveilleux.

 Le domaine du merveilleux et la merveille de Montferrand :

L’auteur fournit une définition précise de ce qu’est, selon lui, une merveille : « Par merveilles, nous entendons ce qui échappe à notre compréhension, bien que naturel : ce qui fait la merveille, c’est notre impuissance à rendre compte de la cause d’un phénomène » (Gervais de Tilbury, Le Livre des Merveilles, trad. Annie Duchesne, Paris, 1992, p.20). Son approche très clairement exposée tend à vouloir témoigner d’une véracité des faits rapportés, il informe le lecteur que le fait est jusqu’alors inexplicable, ce qui permet de penser qu’il pourra être expliqué ultérieurement par les progrès de la science.

Mon premier mémoire a consisté à témoigner de la probabilité des faits recensés pour le Royaume d’Arles et la Province de Narbonne, toujours d’après le Livre des Merveilles. Il a été possible de mettre en avant un large panel de merveilles liées à la nature et pour nombre d’entres elles identifiables encore de nos jours et désormais explicables. Cet auteur, par la localisation précise des communautés et la description des faits, permet de comprendre ce monde rural médiéval, qui croit en des phénomènes très prosaïques en rapport direct avec leur environnement quotidien.

Dans une de ses merveilles, Gervais cite précisément la communauté de Montferrand :

« ll y a dans la province de Narbonne, à proximité de Montpellier, le château de Montferrand : sur le territoire de ce château, après que l’on a rasé le bois et qu’on l’a brûlé, la terre est cultivée comme on le fait pour les champs nouvellement défrichés, et labourée à la charrue ; elle produit des vignes sans qu’on les ait plantées. Ces vignes poussées ainsi par le bénéfice de la nature font un très bon vin pendant trois ans ; puis elles retournent à une stérilité sauvage si elles ne sont pas brûlées de nouveau ».

Source : Gervais de Tilbury, Le Livre des Merveilles, trad. Annie Duchesne, Paris, 1992, p.36

Cette merveille est particulièrement intéressante pour la perception du monde rural languedocien. Plusieurs éléments la situent clairement dans le milieu paysan : les terres nouvellement défrichées et mises en culture, le labour à la charrue, la culture de la vigne, et la culture sur brûlis.

 L’ancrage du fait merveilleux dans le quotidien :

Tout l’intérêt du Livre des Merveilles est de pouvoir entreprendre une histoire rurale au regard d’une source littéraire. Gervais de Tilbury

Majoritairement, dès la fin du Xème siècle, les défrichements permettent de gagner des terres agraires sur l’inculte (forêt, friche, zone palustre…). L’amélioration de l’outillage, le petit optimum climatique sont autant de facteurs permettant d’accroître les aires cultivées afin de pouvoir nourrir la population, en hausse démographique.

La culture sur brûlis a été employée comme méthode de défrichement. Elle consiste à défricher grossièrement et à brûler les résidus à la saison sèche (l’été). Le sol est ensuite travaillé pour être mis en culture. Les cendres apportent de nombreux éléments fertilisants. Cette culture fonctionne sur un cycle de trois ans en moyenne, car les sols s’épuisent vite. Ce cycle de triennal pourrait expliquer le raisonnement exposé par Gervais. D’après lui, les vignes sauvages deviennent stériles après trois années si elles n’ont pas été brûlées de nouveau.

Le vin montpelliérain est demeuré de consommation régionale, il n’est pas parvenu à s’imposer sur les tables de France. Ceci explique peut être les sources lacunaires quant au défrichement par brûlis dans le but d’une culture viticole.

 En suspend :

Malheureusement, concernant la culture sur brûlis en Languedoc pour le XIIème, voire le début du XIIIème siècle, les sources sont restées silencieuses et bien que Gervais de Tilbury se montre très précis dans son témoignage, il est difficile de corroborer ses dires avec d’autres preuves écrites.

 Bibliographie :

  • BRACONNIER, Raymond ; Nouveau Larousse Agricole, Paris, 1952
  • DEFFONTAINES, Pierre ; L’Homme et la Forêt, Paris, 1941
  • DUBY, G. ; WALLON, A. « Histoire de la France Rurale, des origines à 1340 », Manchecourt, 1992

Répondre à cet article

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0