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dimanche 14 mars 2004, par
Aux Matelles comme dans de nombreuses contrées du Midi, la sériciculture participait à la polyactivité qui fut la règle pendant de longs siècles. Au plus fort, cette activité c’était environ 4400 mûriers sur la commune. Même si beaucoup ont disparu, l’élevage des vers à soie (= les magnans) s’inscrit, aujourd’hui encore, en filigrane dans les paysages matellois. Un exemple est le bâtiment situé en dehors des remparts, presque en face de l’église, au début du chemin du Triadou : il est constitué d’une bergerie surmontée d’une magnanerie aux fenêtres étroites ; la bergerie apportait de la chaleur à la magnanerie et l’étroitesse des fenêtres limitait les pertes de chaleur et l’entrée de lumière.
À une enquête préfectorale, en 1862, le maire des Matelles note que l’éducation (= l’élevage) du ver à soie était pratiquée sur la commune depuis des « temps immémoriaux ».
Jusqu’au premier tiers du XIXe siècle, les Matellois produisaient entre 1000 et 1500 kg de cocons par an.
Puis l’activité prit de l’essor (presque 6 000 kg en 1850) avant de chuter brutalement (autour de 2 100 kg entre 1860 et 1872) à cause de la pébrine. Dès que les
éleveurs matellois utilisèrent de la graine (= les œufs de ver à soie) saine mise au point par Pasteur, la production remonta en flèche (6 000 kg).
Mais le déclin revint rapidement après 1880, définitif cette fois, à cause de l’ouverture du canal de Suez qui facilita grandement l’importation des soies orientales, puis plus tard par l’apparition des textiles synthétiques.
Ainsi, s’il y avait 39 éducations aux Matelles en 1874, occupant près de 160 personnes, il n’en restait plus que 10 en 1913. Aucun ver ne fut élevé pendant la guerre, et par la suite cette activité fut irrégulière jusqu’en 1928. Seule depuis 10 ans, la dernière éducation cessa en 1938.
Les cocons obtenus aux Matelles étaient filés à Saint-Hippolyte-du-Fort, Saint-Bauzille-de-Putois, Ganges ou Montpellier ; le tissage se faisait à Lyon.
Les mûriers
Le mûrier employé pour nourrir les vers à soie est le Mûrier blanc (= à fruits blancs), plutôt que le Mûrier noir : les feuilles du second sont couvertes de petits poils sur leur face inférieure ; les vers ne peuvent donc consommer que les feuilles jeunes. Par contre les feuilles du Mûrier blanc sont glabres et sa croissance est plus rapide.
L’hiver 1709 fut une date importante pour le mûrier : châtaigniers et oliviers furent gelés en très grands nombres ; ils furent souvent remplacés par des mûriers.
Enfin, lors des printemps froids ou pluvieux en Cévennes, la vente des feuilles de mûrier aux éducations cévenoles s’ajoutait aux revenus de la vente des cocons. Les feuilles partaient dans les Cévennes par charrettes.
La pébrine
Comme tout élevage, celui du ver à soie comporte le risque d’épidémies (muscardine, grasserie, jaunisse de tripes, luzette, mort-flat, gattine, négronne, arpion, flacherie...). Ces maladies pouvaient entamer la récolte de 2/3 ou 3/4, mais les vers malades ne parvenaient pas jusqu’à la ponte ; la "graine" (= les œufs) ne transmettait pas la maladie d’une année à l’autre.
Au contraire, la pébrine (appelée ainsi parce que certains vers malades portaient des taches ressemblant à des grains de poivre) contaminant le ver à un stade tardif, était transmise à toute la descendance du papillon malade. Cette maladie fit des débuts éclatants dans le département de 1851 à 1856. La crise fut si intense qu’en 1865 la récolte héraultaise ne fut à peine que 10 % de celle de 1848 et un tiers des mûriers avait déjà été arraché.
Dès 1853, l’importation de graines étrangères se développa mais avec des résultats très irréguliers. Certains imaginèrent alors que la maladie était due à une dégénérescence du mûrier et tentèrent l’acclimatation du mûrier de Chine. D’autres pensèrent que c’était la variété cévenole de ver à soie qui dégénérait et firent en vain des croisements avec d’autres souches.
En 1865, sur pétition des sériciculteurs désemparés, Pasteur accepta de se pencher sur le problème. Installé dès 1866 à St Hippolyte du Fort, il établit qu’il s’agissait de deux maladies infectieuses dont une était connue, la flacherie. En 1869 il mit au point une méthode permettant de sélectionner les pontes saines ; il suffisait, après la ponte, d’écraser la femelle et d’observer le broyat au microscope. S’il y avait des corpuscules, il ne restait plus qu’à jeter les œufs car ils étaient atteints. Bien qu’à la portée d’un enfant de maintenant, cette méthode était difficile à diffuser dans les campagnes d’alors. Dix microscopes furent installés à Alès en 1870 et cette ville devint le centre régional de production et de distribution de graines saines.
Alors que les éducateurs matellois avaient auparavant l’habitude de faire leur propre graine, dès 1872 ils étaient nombreux à l’acheter à Alès, et après 1875 tous le firent.
Cette article est un chapître d’une série d’articles sur l’agriculture aux Matelles. En voici le sommaire complet :
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