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mercredi 25 novembre 2009, par ,
Vingt-quatre kilomètres à l’est de Saint-Guilhem, le prieuré de Saint-Martin-de-Londres possède une église qui reproduit de très nombreuses caractéristiques de l’abbaye-mère et qui se range, elle aussi, parmi les témoins majeurs de l’art roman de la fin du XIe siècle.
Comme sa dédicace à saint Martin le sous-entend, ce prieuré était implanté le long de la voie antique de Nîmes à Vieille/Toulouse, à son croisement avec la grande draille de Saint-Gély-du-Fesc à Meyrueis.
Lors du lancement de l’itinéraire compostélien passant à Saint-Gilles et Gellone, les moines de Saint-Guilhem reprirent pied sur la butte contrôlant ce carrefour routier en se faisant restituer, en 1088, par Adémar Guilhem de Montarnaud, l’ecclesiam Sancti Martini de Lundras, cum decimis et premiciis, et omni cimiterio.
D’après un acte de III0, la présence de Gellone avait été « ratifiée » par Godefroy, l’évêque de Maguelone (1080-1104), qui avait réservé pour ses chanoines le quart des revenus de l’église.
L’implantation des moines de Saint-Guilhem a laissé son empreinte sur la topographie de l’agglomération. Ils avaient édifié une enceinte, le fortalicium vetus, qui protégeait à la fois l’église, le clocherius/clocher-tour, le prieuré, le four, le cimetière et les maisons bordant celui-ci.
Tout autour de l’enceinte, le « circuiti ecclesiae », s’étaient construites les maisons d’une villa qui ne fut fortifiée qu’à l’époque de la Guerre de Cent ans.
Les nombreux micocouliers qui ceinturent le « claustre » et la présence d’un puits, que l’on appelle la Source, au nord-est de l’église, suggèrent une occupation très ancienne.
L’affectation au monastère de Saint-Martin-de-Londres d’un fragment de la vraie Croix détaché de Gellone et la main-mise des moines sur toutes les auberges du lieu attestent que le prieuré a eu surtout une vocation d’étape de pèlerinage. Il était situé à une journée de marche à la fois de Montpellier (vingt-cinq kilomètres) dont on sortait par le faubourg Saint-Jaumes, et de Saint-Guilhem (vingt-quatre kilomètres) que l’on rejoignait en empruntant la route de Vieille-Toulouse jusqu’à la hauteur de Saint-Sylvestre des Brousses.
L’afflux des voyageurs de la foi explique la rapidité avec laquelle a été livrée l’église de Saint-Martin-de-Londres. La courte durée des travaux est suggérée par l’homogénéité de l’appareil des différentes parties. Chronologiquement, on peut admettre que la construction de l’édifice chevauche la fin de la première campagne et le tout début de la deuxième campagne de l’abbatiale de Gellone, ce qui la situerait entre 1090 et 1100.
Par son plan trèfle, Saint-Martin-de-Londres représente un exemplaire unique en bas Languedoc. Un des seuls édifices de la France méditerranéenne dont on puisse la rapprocher est l’église romane de Sainte-Croix, bâtie par les bénédictins de Montmajour, à une centaine de mètres à l’est de l’abbaye. Toutefois, le plan provençal comporte quatre absides, une sur chaque côté, alors que Saint-Martin-de-Londres n’en comprend que trois, l’abside occidentale étant remplacée par une courte nef de deux travées.
Comme pour les niches de Gellone, c’est en Catalogne qu’il faut aller chercher des exemples de plans trèfles, tels Saint-Saturnin de Tabernoles et Saint-Pierre des Ponts dont le nom évoque le passage d’une route, ou bien Saint-Martin de Brulh ou Saint-Martin d’Abrera dont la dédicace évoque elle aussi la proximité d’une voie antique.
Il est possible que le premier maître d’œuvre de Gellone et une partie de son équipe soient intervenus à Saint-Martin-de-Londres, car on retrouve, à l’extérieur des absides, exactement le même feston de trois arcatures appareillées rythmées par de minces lésènes plates et, à l’intérieur de l’abside centrale, les trois baies et les cinq arcatures sur colonnettes avec les chapiteaux unis en tronc de pyramide renversé.
Quelques indices confirment que l’église de Saint-Martin-de-Londres est légèrement postérieure à la première campagne de l’abbatiale de Gellone, comme le suggèrent l’utilisation du marteau taillant, une amorce de décor intérieur, les demi-colonnes engagées et la coupole ovoïde.
L’apparition du marteau taillant pour égaliser la surface des moellons se reconnaît au décor en feuilles de fougères. Un des tailleurs de pierre, plus expérimenté, a reproduit sur des chapiteaux ou sur des éléments de corniche des motifs qu’il avait remarqués ailleurs et qu’il avait peut-être déjà exécutés : pommes de pin, rameaux d’olivier, cercles spirales, damiers cubiques, câble torsadé... La corniche de l’absidiole sud est sculptée de billettes selon le procédé que nous avons vu employer à Baillargues et à Villeneuve-les-Béziers.
Le profil élaboré des demi-colonnes de la nef et de la croisée du transept témoigne, lui aussi, d’une plus grande maîtrise dans le travail de la pierre. Ces supports recevaient à la fois les arcs à double rouleau qui renforcent la voûte et les arcs engagés.
Le rachat des angles de la croisée rectangulaire s’opère d’une façon originale pour passer à la coupole ovoïde. Il n’existe ici ni les trompes ni les pendentifs que nous rencontrerons fréquemment dans d’autres églises à coupole. A Saint-Martin-de-Londres, la transition se fait progressivement par des moellons savamment incurvés aux angles et ajustés à la demande. Là encore, le savoir-faire des tailleurs de pierre est mis en évidence. Cette coupole, bien proportionnée, culmine à 15 m de hauteur. A l’extérieur, elle se présente sous la forme d’un tambour octogonal ayant reçu le même décor de festons, de lésènes et de dents d’engrenage que les trois absides. Elle est surmontée d’un petit lanternon du XVIIIe siècle ajouré de quatre baies.
Le gimel, ajoute devant la porte sud à la fin du XIIe siècle, est une réplique de celui de Gellone. Si sa voûte d’ogives offre un intérêt certain, il n’en est pas de même de la chapelle pseudo-gothique qui a été accolée malencontreusement au XIXe siècle contre la porte nord. L’originalité profonde de l’église de Saint-Martin-de-Londres commande que l’on fasse disparaître cette boursouflure.
On pourrait d’ailleurs revaloriser judicieusement l’ancien prieuré en restituant son aspect médiéval à tout le quartier qui a survécu à l’intérieur de l’enceinte monastique, et en ouvrant aux visiteurs le parc du presbytère.
Source : "Eglises Romanes Oubliées du Languedoc" par Pierre Albert Clément, 1989.
Avec l’aimable autorisation de l’auteur.